Ce sujet pose une question et traduit par la même occasion un doute sur la capacité de nos sociétés à préserver les valeurs qui sont les nôtres. Sur le plateau de A+ BENIN, j’ai présenté deux clichés qui justifient la pertinence du débat. Le premier renseigne sur les modes de structuration des sociétés traditionnelles. Le second a établi un diagnostic sur la #modernisation_sauvage avec son cortège de vices, lesquels vices ont fini par corrompre les bases de fonctionnement d’hier.
L’amitié n’est pas une cause. Elle est une conséquence logique des valeurs d’appartenance, de solidarité et de cohésion sociale qui déterminent et caractérisent nos communautés. Au-delà du lien de sang, le lien communautaire est prégnant. Ce lien communautaire est fondé sur l’amitié entre des individus ou des peuples en dépit de la distance géographique, des différences culturelles, religieuses, etc.
Dans nos pays africains marqués par une économie d’échelle et où le ruissellement économique est une source principale de sécurité sociale pour les populations, l’amitié est un élément central du système de protection sociale en vertu des gains qu’elle offre : amour fraternel, entraide, solidarité, assistance mutuelle, soutiens de divers ordres, etc.
Par opposition à l’inimitié, l’amitié étend les bases de l’équilibre social et de la paix. Mais dans les sociétés modernes marquées par toute sorte de mondanités et d’obscénités, les craintes et les doutes autour de l’existence d’une amitié non intéressée sont légitimes. À partir du moment où il y a une perversion des objectifs pour lesquels on entre en amitié, la crise de confiance devient le premier compagnon des individus.
Plus personne ne veut croire en la bonne foi de l’autre. L’intérêt est plus que jamais au cœur des relations amicales. C’est même une exigence. Je ne trouve pas mon intérêt en jeu, pourquoi m’investir dans une telle amitié ? Non ! Dans les relations amicales new-look, l’un va chercher à exploiter à l’excès les faiblesses de l’autre. On peut même faire recours à des armes déloyales pour parvenir à ses fins sous le couvert de l’amitié. Et ce ne sont pas des exemples qui manquent pour étayer cette thèse. Un tel contexte est favorable à la crise de confiance.
Mais, cher.es ami.es, l’amitié non intéressée existe toujours même si la tendance lourde renvoie à un déclin des valeurs censées régir les relations amicales. La modernité sauvage n’a donc pas réussi, du moins pour le moment, à effacer, chez tous les citoyens, les valeurs chères d’une amitié désintéressée. Il faut juste savoir utiliser le bon filtre pour identifier cette amitié non intéressée, savoir l’entretenir pour l’aider à grandir et à résister au temps.
Joël Tchogbé, Sociologue